lundi 22 août 2011

Août 1984 - Août 1990

 Deux dates indélébiles

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Victor Hugo


A deux reprises, comme une fatalité, mère et orpheline à la fois ! Fusion d’un immense bonheur et d’une extrême souffrance !

Mamie, à laquelle je pensais avec une étonnante et intense émotion ce matin du 27 juillet 1984 au moment même où je devenais mère pour la première fois, nous quittait brusquement ce 25 août 1984 !
Puis, au moment où je devenais mère pour la deuxième fois, ce fut maman qui partit doucement ce 19 août 1990

L'enfant chantait; la mère au lit, exténuée,
Agonisait, beau front dans l'ombre se penchant ;
La mort au-dessus d'elle errait dans la nuée ;
Et j'écoutais ce râle, et j'entendais ce chant.
Victor Hugo

samedi 6 août 2011






Tout comme elle, j’ai grandi dans cette arrière-boutique, bercée par l’atmosphère animée du magasin de mes grands-parents. Tout comme elle, je me suis nourrie de leurs valeurs simples et solides où l’humain est au centre de toute préoccupation.

Plus tard, au moment où tous mes repères s’écroulaient, ces valeurs furent les piliers qui m’ont maintenue debout.

Nous logions dans la maison face au magasin, au premier étage là où je suis née ; de cette époque, j’ai conservé des souvenirs très flous de mes parents.
Tous les matins aux aurores, depuis la pièce où je dormais, mon grand-père passait la commande quotidienne de charcuterie en chuchotant dans le combiné afin de ne pas troubler mon sommeil… c’était toujours les mêmes phrases, les mêmes mots, le même rythme scandé, si bien que plus tard j’ai pu commander à sa place ; puis il s’approchait doucement de mon lit pour remettre le drap en ordre.. « là, là nine… doucement » ; je faisais semblant de dormir…tant ces moments étaient doux et délicieux.

Plus tard, ma grand-mère montait en vitesse me lever, m’habiller et nouer mes longs cheveux en nattes pour un départ précipité vers l’école.

A midi, de retour de l'école,  alors que mes grands-parents s'activaient dans le magasin, je m’installais seule dans l’arrière-boutique près du poêle pour déguster les bons plats de ma grand-mère ; mon repas était rythmé par  "le jeu des mille francs" !


« Ô souvenirs ! printemps ! aurore !
Doux rayon triste et réchauffant !
- Lorsqu'elle était petite encore,
Que sa soeur était tout enfant... -

Connaissez-vous, sur la colline
Qui joint Montlignon à Saint-Leu,
Une terrasse qui s'incline
 Entre un bois sombre et le ciel bleu ?

C'est là que nous vivions, - Pénètre,
Mon coeur, dans ce passé charmant !
Je l'entendais sous ma fenêtre
Jouer le matin doucement…»


Victor Hugo
 

dimanche 31 juillet 2011

Aujourd'hui, tu aurais fêté tes 84 ans !





Je sais à présent pourquoi j’ai tant aimé si tôt les textes de Victor Hugo…
 
«  Elle était pâle, et pourtant rose
   Petite avec de grands cheveux.
Elle disait souvent : je n'ose
Et ne disait jamais : je veux. »
 
Ces quelques vers sont dans mon esprit indissociables du souvenir de ma mère…elle qui aimait tant à les réciter au point que j’avais fini par croire qu’ils la définissaient  malgré ses cheveux « à la garçonne ».
Il m’aura fallu accomplir un long et périlleux cheminement pour parvenir à aimer celle partie trop tôt et que j’ai aujourd’hui presque rattrapée en âge ; je conserve l’image d’un visage encore jeune, souriant malgré la maladie… digne jusqu’au bout, ne voulant surtout pas déranger même si près de la mort.

                                            « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
                                                           Je partirai vois-tu je sais que tu m’attends,
                                                           J’irai par la forêt, j’irai par la montagne,
                                                           Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps…
 
                                                          
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
                                                           Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
                                                           Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
                                                           Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »
 
A cours de ces longues années sans elle, j’ai pu mesurer ce qu’avait été la force de sa protection… une louve qui faisait écran entre eux et moi… qui prenait les coups… leurs coups... car ils l’ont rouée de coups !
 
Leur était-il en effet possible de me pardonner d’être née là dans le village de leurs vacances, là dans la maison familiale, d’avoir grandi là auprès de nos aïeux et bénéficié aussi longtemps d'une telle dose quotidienne d’amour exclusif….pour eux une sacrée rancœur accumulée depuis tant d’années…et qui peu à peu insidieusement a pris forme et s’est fait jour après sa disparition.
 
Qu’aurait-elle pensé de cette entreprise familiale de destruction orchestrée par les siens ?